AUSTRALIE
Forces...

Par Yannick Dubois et J.-P. Madelaine

Rod McQueen

C'est à la suite de la débâcle de Johannesburg en août 1997 face à l'Afrique du Sud - 64-22, la plus lourde de l'histoire des Wallabies - que Rod McQueen, 48 ans, succède à l'inconstant Greg Smith. En un an, McQueen, l'ex-entraîneur de l'ACT, réalise des prodiges. Après des débuts difficiles en Argentine et en Angleterre à l'automne 97, il rebâtit une formation extrêmement compétitive.

En 1998, les Anglais battus 76-0, les Ecossais deux fois et les All Blacks à trois reprises (!) l'apprennent à leurs dépends ; seuls les Sud Africains réussissent alors à contrer la nouvelle vague australienne, laquelle termine l'année par une tournée victorieuse en Europe face à la France et à l'Angleterre. Cette année est celle de la confirmation et des derniers réglages, ponctuée cependant de prestations irrégulières qui vont d'une retentissante victoire sur les All Blacks à Sydney (28-7) à une médiocre défaite (10-9) à Johannesburg face aux fantômes des Springboks sud-africains.

Excellent technicien à l'enthousiasme communicatif, il a tenu dès sa prise en fonction un discours explicite et très cohérent à des joueurs désemparés par une mauvaise saison : investissement personnel, professionnalisme sur le terrain comme en dehors (il ne plaisante pas avec la ponctualité) et surtout, stabilité du groupe en vue de la Coupe du monde. Le tout, au service de schémas tactiques clairs et durables en vue d'atteindre l'unique objectif : le Mondial 1999. Nous y voilà !

L'encadrement

Conscient qu'il fallait moderniser les structures, McQueen a entrepris, avec l'aval de la fédération, de tout moderniser : la tenue des joueurs, la préparation mais surtout le rôle et la structure de l'encadrement. C'est ainsi qu'il a rassemblé un encadrement jeune et très professionnel comprenant outre le manager McKay et l'entraîneur adjoint Jeff Miller, un conseiller financier… pour les joueurs, un préparateur physique reconnu, Steve Nance, ayant fait les beaux jours du XIII local, deux kinés, un spécialiste de l'analyse vidéo et un bagagiste attitré qui est aussi masseur.

Une équipe compétente, soudée et très exigeante avec elle-même comme avec les joueurs.

La préparation

Dans l'hémisphère Sud, en règle générale, les entraîneurs nationaux ne voient pas leurs joueurs pendant les six premiers mois de l'année. Ils organisent des stages en tout début d'année, mais ne récupèrent leurs effectifs que fin mai, à la fin du Super 12. En revanche, dès que la saison internationale démarre en juin, les squads respectifs se rassemblent et ne se quittent pratiquement plus.

Rod Mc Queen a fait installer son équipe dans un village de vacances, Caloundra, au nord de Brisbane. Pendant près de quatre mois, les joueurs avec épouse ou compagne, enfants, chien ou poisson rouge sont logés dans des appartements trois étoiles avec climatisation, télévision câblée et petite terrasse sous les palmiers.

Les joueurs partent ensemble à l'entraînement en VTT, les femmes jouent au golf et les couples se reçoivent le soir. Et lorsque ces messieurs partent pour jouer leur match, ils laissent tout sur place, de la chaîne stéréo aux bouteilles de bière, de l'épouse au poisson rouge ! Parce qu'entre le début juin et la mi-septembre, à l'Oasis Resort de Caloundra, ils sont véritablement chez eux.

Ce camp d'entraînement dans un cadre exceptionnel a permis de créer un environnement favorable permettant au joueur de se consacrer à fond à son métier de joueur de rugby tout en vivant normalement avec sa famille, sans se soucier d'autres choses. Résultats : des joueurs plus équilibrés, réceptifs, détendus et solidaires, puisqu'ils vivent "ensemble".

Le système de jeu

Depuis l'avènement du professionnalisme, surtout dans l'hémisphère sud, les équipes ont évolué vers un jeu de plus en plus complet, qui fait intervenir aussi bien les avants que les arrières, aussi bien à partir de phases statiques que de ballons de secondes mains.

Avec 15 joueurs bien préparés, tous de haut niveau, il n'y a plus de raison de jouer sur un seul secteur du jeu ! Du coup, c'est assez dur de définir le jeu d'une équipe. Cela devient de plus en plus tactique avec des systèmes de jeu très théoriques et l'utilisation à outrance des passages à vides.

Chez les Australiens, Gregan et surtout Larkham utilisent beaucoup la passe sautée sur le deuxième centre (Herbert) pendant qu'un troisième ligne détaché (Wilson) et le premier centre (Horan ou Grey) font office de leurre et passent " à vide ". Ils varient en faisant 'rentrer dedans' le troisième ligne centre (Kefu) ou le premier centre (Horan ou Grey), afin de faire une fixation et pouvoir rebondir dans une nouvelle phase de jeu, mais de manière moins systématique que les Boks.

Dans l'ensemble, les wallabies de l'ère McQueen ont un jeu dynamique, alliant puissance, vitesse et dextérité, et privilégiant la circulation de balle. Les séquences à rallonge avec la multiplication des impacts avant contournement ou pénétration nécessitent une grande polyvalence de tous les joueurs et, bien sûr, un physique affûté.

Les Australiens ont actuellement le jeu le plus complet de l'hémisphère sud : outre un excellent équilibre attaque / défense, ils peuvent aussi bien dérouler un maul sur 30 mètres comme jouer en débordement par un de leurs rapides (et puissants) ailiers... Sans compter l'inventivité de Rod McQueen pour trouver des combinaisons au départ des phases statiques, ce qui rend leur jeu attractif et varié.
Le symbole de ce jeu fut l'essai de Burke contre la Nouvelle-Zélande à Christchurch l'an dernier : une séquence de jeu de 3 minutes, tous les joueurs qui touchent le ballon, 28 passes, 16 regroupements et 60 mètres de gagné face aux All Blacks. Les Wallabies ont côtoyé les sommets ! L'essai de l'année 98, incontestablement.

La défense

Traditionnellement, la défense à toujours été une force du rugby australien, que ce soit à 7, XIII ou bien à XV. La discipline défensive fait partie du bagage culturel de tout joueur australien, l'aspect tactique et organisationnel de ce secteur ayant de tous temps été privilégié de ce coté du globe.

Depuis le début de la Coupe du Monde, la défense australienne n'a d'ailleurs encaissée qu'un seul essai en cinq match des oeuvres de l'obscur centre américain Juan Grobler, et encore dans un match sans enjeu où Rod Macqueen alignait son équipe réserve ! C'est dire si la ligne d'en but des Aussies s'apparente à un coffre-fort soigneusement gardé.

La conquête

Alors qu'ils avaient terriblement souffert en 1997, tant face aux Français en juin que durant les Tri nations et en 1998 face aux Springboks, cette année, les Wallabies ont retrouvé toute leur efficacité pour nettement dominer les alignements anglais, irlandais et néo-zélandais, et faire fait jeu égal avec les sud-africains.
Dans l'alignement, Eales reste un des meilleurs sauteurs du monde et, pour la première fois depuis le retraite de McCall en 1995, est bien épaulé en seconde ligne par le jeune David Giffin, la "révélation australienne de l'année" selon l'ARU (la fédération australienne), et d'après Eales lui-même, c'est la star de demain.

Enfin, comment ne pas signaler le bon retour au talonnage de Phil Kearns dont l'expérience, la précision et l'entente avec ses sauteurs ont permis une conquête propre, synonyme de bon lancement de jeu, très appliqués. La blessure du talonneur Champion du Monde 1991 lors de ce Mondial n'a, semble t'il, pas trop affecté le rendement de la touche australienne, Michael Foley assurant l'intérim de manière irréprochable.

Les joueurs clés

Le capitaine John Eales, un leader naturel, grand pourvoyeur de ballon, à l'aise dans le jeu dynamique, polyvalent, bon défenseur, athlétique et accessoirement excellent buteur !

David Wilson est considéré comme l'un des meilleurs flankers coté ouvert du monde, comme l'ont démontré ses récentes performances durant le Tri Nations. Grand chasseur de n°10, il a été élu " joueur australien de l'année 1998" par l'ARU.

Le jeune troisième ligne centre d'origine tonguienne Toutaï Kefu explose au plus haut niveau et réalise un excellent mondial. Le perforateur n°1 du pack australien.

Le demi de mêlée George Gregan, excellent animateur et redoutable plaqueur, il a dominé Justin Marshall et contenu Van der Westhuizen cet été mais fait parfois preuve de précipitations, ce qui le rend brouillon.

Stephen Larkham, l'ouvreur atypique des wallabies, l'autre " joueur australien de l'année ". Déroutant, mélange d'intuition et de réflexion, la variété de ses choix en ont fait le joueur-clé dans le système McQueen.

L 'arrière et buteur Matt Burke, tel un libéro au football, est l'ultime rempart de la défense des Wallabies. Toujours bien placé, d'une sûreté à toute épreuve sous les balles aériennes, il est également infranchissable en un contre un.

...et Faiblesses

Le manque de réserve

Un des éternels problèmes du rugby australien est qu'il ne possède presque aucune réserve d'effectifs et se retrouve ainsi très affaibli dès lors qu'un titulaire se blesse. Il n'y a jamais que trois équipes de (très) haut niveau sur l'île continent, les trois équipes de provinces, qui représentent l'unique source d'approvisionnement de l'équipe nationale. Ceci explique en partie les raisons qui poussent certains membres de l'ARU à souhaiter la création d'une quatrième province.

L'Australie ne bénéficie ni du réservoir français, ni de l'apport massif des îliens du Pacifique - comme la Nouvelle-zélande - ni de l'intérêt des médias et sponsors comme en Afrique du Sud, ni même ni de la culture "rugby" des îles britanniques, de la NZ ou de la France ! Toutes des raisons qui expliquent la récente naturalisation du pilier, et ex-puma, Patricio Noriega et la sélection de l'ex n°8 des Boks, Tiaan Strauss.

La concurrence du XIII

Voir l'article sur "Le rugby à XV, parent pauvre de l'ovale australien"
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Le jeu au pied

Si Stephen Larkham possède un bon jeu au pied, il n'a pas encore atteint une régularité suffisante pour offrir toute les garanties, comme l'ont démontré les dernières minutes du temps réglementaire de la rencontre face aux Boks lorsque, coup sur coup, il a raté deux diagonales et offert à De Beer l'occasion de recoller au score.

Les retours, après blessures, de Tim Horan en premier centre et Matt Burke à l'arrière augmentent néanmoins les possibilités dans ce domaine, car ni Joe Roff, ni surtout Ben Tune (catastrophique en demi-finale) ne sont au même niveau.

Matt Burke est le buteur attitré de cette équipe mais en cas de défaillance de son arrière dans cet exercice, Rod Macqueen n'hésite pas faire buter John Eales. Le capitaine seconde ligne a déjà tenu ce rôle l'an passé contre les français et à l'une ou l'autre occasion durant les Tri Nations. Mais ils n'apparaissent ni l'un ni l'autre aussi sûr, ni régulier qu'un buteur naturel comme Christophe Lamaison.

Les absences

L'absence la plus notable est celle du talonneur Phil Kearns, qui est habituellement le leader de combat du pack des Wallabies, expérimenté, teigneux en diable, précis dans ses lancers et très présent dans le jeu.

L'autre absent de marque est le pilier d'origine argentine Pato Noriega dont les débuts en équipe nationale avait laisser présager la fin des soucis en mêlée pour la première ligne des Wallabies, dont ce n'est pas culturellement le point fort.

Les maillons faibles

Le pilier droit : lle titulaire Patricio Noriega s'est blessé, c'est l'éternel remplaçant Dan Crowley, qui a été appelé avant que celui-ci ne se blesse à son tour. Il a donc été remplacé par Andrew Blades. Pas vraiment au même niveau, les australiens risquent de souffrir en mêlée fermée, quoi que leur performance face au Springboks a surpris plus d'un observateur..

L'autre traditionnel maillon faible des wallabies est le n°8. Depuis le retrait de Tim Gavin après la Coupe du Monde 1995, aucun candidat ne s'était réellement imposé. Aujourd'hui, deux joueurs se partagent le poste : d'une part le jeune Toutai Kefu dit " l'autobus " qui a pris l'ascendant sur son concurrent direct et débute les rencontres; d'autre part Tiaan Strauss dit " le postier " qui rentre assez souvent pour les vingt dernières minutes. Deux bons joueurs, mais pas des supers, Kefu étant surtout un perforateur manquant d'expérience et Strauss un stratège manquant de puissance. La seule faiblesse, certes relative, dans l'épine dorsale des Wallabies.

Pour le reste, cette équipe apparaît plus complète, plus homogène que son homologue néo-zélandaise.

La forme incertaine de joueurs clefs

L'Australie aligne sa meilleure équipe possible à l'exception de sa première ligne, décimée par les blessures. Mais parmi cette équipe-type, plusieurs joueurs important reviennent de blessure plus ou moins longues tels l'ouvreur Larkham , l'arrière Burke mais surtout le capitaine, l'emblématique John Eales. On a pu s'apercevoir tout au long du tournoi que ces joueurs avaient quelques difficultés à enchaîner les matches de haut niveau avec la constance nécessaire, alternant les hauts et les bas au cours d'un même match.

Qu'en sera t'il samedi ?